Progression de la contamination du sida chez les gays !

Alors que la pandémie liée au virus VIH semble quelque peu marquer le pas dans le monde, une population voit, au contraire, le nombre de nouveaux cas croître : les homosexuels masculins. Le chiffre ne cesse d’augmenter pour cette catégorie sur tout le globe. Pour les spécialistes réunis dans le cadre de la Conférence sur les rétrovirus (CROI) qui se tient à Atlanta (Etats-Unis) jusqu’au 6 mars, il y a urgence à agir.

Un état des lieux alarmant pour la communauté gay

Le constat est froid et brutal. Cela se passe en Thaïlande, pays où l’accès aux soins ne pose pas de souci majeur, où l’homosexualité n’est pas criminalisée, ni discriminée. Les scientifiques suivent, de 2006 à 2012, un groupe de jeunes hommes homosexuels qui ne sont pas porteurs du virus VIH. Quand ils testent les membres de cette cohorte, le verdict est implacable : en cinq ans, la proportion cumulée d’hommes ayant contracté le virus est de 26 %.

En présentant ces données à Atlanta, Chris Beyrer, de l’université Johns Hopkins de Baltimore, a souligné que l’épidémie qui touche les hommes ayant des rapports homosexuels (HSH ) ne connaît pas de frontières. Pays pauvres, émergents, riches, partout, les HSH paient toujours un lourd tribut à l’infection par le VIH.

Encore plus inquiétant, selon Chris Beyrer, ce sont les plus jeunes de ces hommes, entre 13 et 24 ans, qui sont majoritairement concernés. Et comme si cela ne suffisait pas, ces contaminations s’accompagnent de coinfections avec, notamment, des cas de syphilis de plus en plus nombreux.

Des raisons multiples

Comment expliquer cette recrudescence de cas alors que les messages de prévention semblent s’être multipliés avec le temps ? Les raisons sont nombreuses. Il y a d’abord le risque lié au rapport anal avec un partenaire porteur du virus.
Les études épidémiologiques ont montré que lorsqu’un homme séropositif a un rapport sexuel, le risque de contaminer la ou le partenaire varie énormément.
En cas de rapport anal, quelque soit le sexe de la personne, le risque de transmission est dix-huit fois plus élevé qu’en cas de rapport par voie vaginale.

Autre facteur de risque, les réseaux que forment les HSH, des structures qui, avec le temps, n’ont cessé de grossir et qui entraînent une certaine multiplication des partenaires. Avec, parfois, transmission de virus porteurs de plusieurs mutations.

A côté de ces facteurs généraux, existent des situations propres à chaque pays. La discrimination et, pire, la criminalisation de l’homosexualité dans certaines régions du monde, particulièrement en l’Afrique et au Moyen-Orient, font que de jeunes hommes ne cherchent pas les conseils et les moyens de prévention nécessaires pour éviter la contamination, pas plus qu’ils n’ont accès aux moyens de diagnostic et de traitement.

Paradoxalement, les facteurs énumérés ci-dessus concernent aussi les jeunes gays américains de la communauté noire, la plus touchée aux Etats- Unis. Ce sont eux qui sont diagnostiqués le plus tardivement et qui ont, pour des raisons économiques, les plus grandes difficultés à accéder aux soins.

Les pistes pour améliorer cette situation

Comment freiner la tendance et espérer un jour prochain l’inverser ? Toutes les études montrent qu’il faut s’adresser aux groupes et non aux individus, susciter des changements de comportement au sein des réseaux. Il est nécessaire également de rappeler les évidences, comme le rôle essentiel du préservatif, en n’oubliant pas au passage qu’il faut que ces préservatifs soient compatibles avec des lubrifiants.
Fournir des préservatifs en quantité suffisante de par le monde ne coûterait pas très cher, estime Chris Beyrer, environ 90 millions d’euros. L’accès aux soins, aux centres de diagnostic, aux traitements doit également être favorisé.

Et il est indispensable de continuer à évaluer ce qu’on appelle le Treatment as Prevention (TasP), le traitement comme prévention. Plusieurs essais sont en cours ou terminés à travers le monde dans les communautés homosexuelles. Le principe est d’utiliser quotidiennement à titre prophylactique, un médicament, le Truvada, pour réduire le risque de contamination.

Les premiers résultats obtenus notamment à San Francisco montraient une diminution globale du risque de contamination de 41 %. Un résultat loin d’être satisfaisant. Cette réponse modérée s’explique par la mauvaise observance du “traitement”, le nombre d’utilisateurs respectant la prise quotidienne étant très faible. Dans les analyses des sous-groupes plus rigoureux, les taux de protection montaient à 90 %, voire plus. L’Agence américaine du médicament, la FDA, a d’ailleurs autorisé l’utilisation du Truvada en prévention de l’infection. En France, un essai baptisé Ipergay est en cours.

L’enjeu est de taille : médical, scientifique, culturel mais aussi politique, notamment lorsqu’il y a non-respect des principes d’égalité voulus par la Déclaration des droits de l’homme.

Faute de vaccin, et en l’absence de médicaments curatifs bien qu’extrêmement efficaces, seule la prévention a un effet indiscutable, a rappelé ChrisBeyer, qui souhaite que les autorités sanitaires multiplient les campagnes d’informations destinées à ces populations et que les jeunes gays comprennent aussi l’importance d’adapter leurs comportements.